Une cabane au fond des bois
Dernièrement, j’ai lu l’ouvrage de Gabrielle Filteau-Chiba, Encabanée.
Depuis que je vis au Québec, je m’intéresse beaucoup à la littérature québécoise et j’avoue m’attacher de plus en plus aux auteurs d’ici. À chaque fois que je voyage, je vais chercher dans la littérature une forme d’authenticité à travers les récits, témoignages, anecdotes… J’aime m’imprégner du style d’écriture, une certaine forme de langage. Je trouve que j’en apprends toujours beaucoup.
Dans Encabanée, Anouk est une jeune femme, la trentaine, qui décide de quitter sa vie de Montréalaise pour s’installer dans une cabane au fond des bois. Elle part, seule, dans un refuge du Kamouraska où les hivers sont rudes et la nature hostile. Elle-même redevient sauvage dans cet univers désolé, solitaire. Elle retourne à sa source, retrouvant le goût de l’effort, la simplicité, l’isolement… et la créativité. Dans cet espace, elle écrit.
“Dans mon ancienne vie, je possédais une chaîne stéréo, une télévision et j’étais abonnée à un forfait d’une centaine de postes. Pourtant, je pitonnais sans trouver ma place, sans plaisir. J’ai troqué mes appareils contre tous les livres que je n’avais pas eu le temps de lire, et échangé mon emploi à temps plein contre une pile de pages blanches qui, une fois remplies de ma misère en pattes de mouche, le temps d’un hiver, pourraient devenir un gagne-pain. Je réalisais mon rêve de toujours : vivre de ma plume au fond des bois.”
… Vivre de sa plume au fond des bois…
En lisant ces derniers mots, je me rends compte combien ils résonnent en moi. Je m’aperçois que, tout comme Anouk, j’aimerais une cabane au fond des bois pour me retirer et écrire. Serait-ce la fibre de l’écrivain qui vibre en moi?
En quête de sens
Finalement, qu’est-ce qui pousse une jeune femme, aujourd’hui, à se retrancher dans une cabane où il n’y a aucune commodité, aucun confort, aucun être humain à la ronde? La quête de sens. La recherche d’une authenticité à travers des gestes simples, que l’on a oublié. Retrouver une liberté que le monde moderne, si attrayant soit-il, nous a volé. Se retrouver soi et apprendre à se connaître. Se réapproprier le temps, qui défile dans nos vies à une vitesse vertigineuse, ralentir la cadence… Et puis, prendre conscience de nos manques, de nos besoins. L’auteur les nomme à chaque début de chapitre de manière humoristique.
“Mes trois souhaits au génie de la lampe :
– Des bûches qui brûlent jusqu’à l’aube
– Une robe de nuit en peau d’ours polaire
– Robin des bois qui cogne à ma porte”
C’est un acte philosophique, personnel, qu’elle nous livre sous une forme que j’affectionne tout particulièrement : le carnet de bord. Jour après jour, sur une semaine, Anouk expose sous forme de listes des notes teintées d’autodérision, d’humour ou de confessions, des “phrases pour ne pas sombrer dans la folie quand tu as froid“, des “choses [qu’elle] aimerai[t] conserver en pots“, des “gratitudes” ou encore les “qualités requises pour survivre en forêt“.
Un régal!
Une réflexion sur la société
S’encabaner, c’est aussi un acte militant. C’est une lutte contre le système, une révolte tant intérieure qu’extérieure pour défendre un territoire, une cartographie, des valeurs écologiques, citoyennes, un savoir-faire ancestrale. C’est accepter de devenir un fugitif, comme Riopelle, de se mettre en danger pour faire passer un message et espérer qu’il touche sa cible.
Gabrielle Filteau-Chiba n’est pas la première à choisir l’isolement pour créer. Je pense à Virginia Woolf, Kerouac, Hemingway et tant d’autres… Il semble que pour réfléchir sur la société il faille en sortir, prendre le recul nécessaire. De même que pour donner naissance, l’être humain, dans sa nature, a besoin de s’isoler. Il a besoin de silence, de paix, d’absence de distraction pour être entièrement consacré à son oeuvre en devenir. C’est un ingrédient essentiel à la recette.
Être dans le territoire, habiter ce territoire pour mieux le connaître, pour mieux le défendre. Se couper du monde pour découvrir celui que l’on porte en nous.
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2 Replies to “Moi aussi je voudrais m’encabaner !”
[…] là-bas, dans le Kamouraska, nichée entre la montagne et le fleuve. J’aurais aimé aller m’encabaner, comme Gabrielle Filteau-Chiba, mais je ne peux pas. Alors j’ai conduis jusqu’à cette […]
[…] là-bas, dans le Kamouraska, nichée entre la montagne et le fleuve. J’aurais aimé aller m’encabaner, comme Gabrielle Filteau-Chiba, mais je ne peux pas. Alors j’ai conduis jusqu’à cette […]