Aujourd’hui avait lieu l’évaluation de mi-parcours de mes enfants avec le chargé de suivi à la Direction de l’Enseignement à la maison (DEM). J’étais relativement sereine à mon réveil. J’abordais cette entrevue téléphonique plutôt calmement malgré une petite pointe d’appréhension quant aux jugements possibles sur notre mode de vie… Et puis, en matinée, la nouvelle tombe :
"Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, resserre d’un cran les règles entourant l’école à la maison, avec comme objectif de mettre fin une fois pour toutes aux écoles religieuses illégales"
Le Journal de Québec
Un amalgame inadmissible
J’avoue que je ne suis pas vraiment surprise de voir l’affaire resurgir en ce début avril. J’ai un peu l’impression que c’est comme un gros “ménage de printemps”. Alors que moi j’entreprends de vider ma maison, de simplifier mes placards, d’aérer l’espace, il y en a d’autres qui préfèrent partir à la chasse aux brebis galeuses (ou aux sorcières, c’est selon) et remettre tout ce beau monde dans le droit chemin.
Il ne faudrait surtout pas qu’on sorte trop du moule !
L’année dernière déjà, le gouvernement avait voté un nouveau Projet de Loi modifiant la Loi sur l’Instruction publique. J’avais d’ailleurs rédigé un article à ce propos. Aujourd’hui, Jean-François Roberge, Ministre de l’Éducation et de l’Enseignement Supérieur du Québec vient déposer à l’Assemblée nationale un projet de règlement “qui prévoit de nouvelles règles encadrant l’enseignement à domicile, qui entreront en vigueur à partir du 1er juillet 2019.”
Au-delà de ce nouveau projet de Loi (encore!), ce qui me choque le plus, c’est l’amalgame fait entre les écoles religieuses illégales ou clandestines et les familles qui font l’instruction à la maison. Selon moi, il y a clairement un manque cruel d’information!
Les mots me manquent pour décrire ce que je ressens aujourd’hui.
Une atteinte aux droits et libertés des familles
Je me sens désemparée, en colère, frustrée, dépitée… mais surtout rabaissée et même intimidée dans mon rôle de parent disposant du droit et de la liberté de choisir le mode d’éducation qui convient à son enfant.
Finalement, je me dis que l’intimidation à l’école, ce n’est pas que sur les bancs de l’école…
Et que sous couvert d’aider nos enfants, on nous contrôle par la peur.
"Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants."
Article 26.3 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
Après avoir passé la matinée à essayer de ne pas dramatiser, à me raccrocher à ce que je connais et à ce dont je suis convaincue au plus profond de moi, le téléphone sonne pour l’entretien avec mon chargé de suivi.
J’avoue, j’étais quand même déstabilisée…
Même si ça s’est bien passé, je reste sceptique pour la suite et le devenir de l’Instruction en famille au Québec. J’ai peur pour nous, pour toutes les familles qui ont le courage de choisir une autre voie. Il fallait déjà du courage pour se lancer dans cette aventure. À présent, cela va devenir véritablement périlleux…
Je ne sais pas si ce projet va être adopté. J’essaie de ne pas trop tirer de plans sur la comète, mais si tel est le cas, cela va remettre en question beaucoup de choses, notamment notre situation géographique.
Allons-nous pouvoir rester au Québec avec de telles obligations et contraintes ? Allons-nous pouvoir poursuivre notre belle aventure en famille ?
Le Unschooling est bien légal, contrairement aux dire du ministre de l’éducation. Et j’essaie de me raccrocher à ce cher John Holt…
"I have used the words "home schooling" to describe the process by which children grow and learn in the world without going, or going very much, to schools, because those words are familiar and quickly understood. But in one very important sense they are misleading. What is most important and valuable about the home as a base for children's growth in the world is not that it is a better school than the schools but that it isn't a school at all. "
John Holt - Teach Your Own
Ce qui risque de changer
Avec la mise en place, l’année dernière, de la nouvelle Loi sur l’Instruction publique, avaient eu lieu plusieurs changements et des obligations pour les familles en IEF :
-
- Envoyer un avis écrit au ministre et à la commission scolaire compétente;
- Créer et envoyer un projet d’apprentissage au ministre ;
- Faire un état de situation et un bilan de mi-parcours ;
- Participer à une rencontre de suivi ;
- Faire évaluer la progression de l’enfant annuellement ;
- Faire un bilan de fin de projet.
Vous pouvez aller consulter mon article à ce sujet ici !

Soutenir plutôt que sévir
Non au projet de règlement Je n’arrive plus à réfléchir correctement ces temps-ci. Mon esprit est soudain brouillé, pour ne pas dire parasité par des
Avec le nouveau règlement proposé (pour ne pas dire imposé) par ce cher Monsieur Roberge, voici les changements prévus au projet d’apprentissage déjà établi :
- Mathématiques, français, sciences, anglais et univers social comme enseignement obligatoire
- Épreuves ministérielles obligatoires
- Présence obligatoire de l'enfant à la rencontre annuelle
Vous pouvez écouter l’allocution de Monsieur Roberge ici :
Et consulter son règlement là :
Unschooling et "école à la maison" ne sont pas compatibles
Face à l’annonce de ce nouveau règlement, plusieurs options s’offrent à nous. Si jamais celui-ci est adopté par l’Assemblée Nationale, nos choix sont relativement restreints. Se plier aux obligations (mais j’avoue que personnellement, tant qu’à devoir faire passer les évaluations à mes enfants, autant les remettre à l’école!), déménager dans une province canadienne plus souple en matière de homeschooling/unschooling (et là j’y songe sérieusement), ou devenir hors-la-loi, gangster, exilé… je ne sais pas.
J’aurais tellement de choses à dire sur la façon dont je vois l’instruction en famille et tous les bienfaits que cela apporte. Pas seulement pour nos enfants mais pour le monde d’aujourd’hui et de demain! Je vois tellement de positif autour de moi à ne plus subir les évaluations et suivre le rythme et les intérêts de nos enfants!
Si nous voulons voir du changement autour de nous, il faut être ce changement (dixit Gandhi)! J’aimerais tellement que les personnes qui nous gouvernent voient les choses différemment plutôt que de s’obstiner dans un modèle qui ne fonctionne plus et vouloir à tout pris amener l’école jusque dans nos chaumières!
Avant de s’attaquer aux familles non-scolarisées, pourquoi ne passent-ils pas plus de temps à améliorer un système éducatif désuet où le taux de diplomation est en constante stagnation (entre 59 et 65% seulement depuis 10 ans) et où il est clairement évident que les méthodes d’apprentissage sont à revoir?
J’en suis là de mes réflexions lorsque je réalise que j’ai passé la journée à tourner et retourner cette situation dans ma tête (ce à quoi il faut ajouter l’heure d’entretien avec le chargé de suivi) délaissant les apprentissages de mes enfants. Merci au gouvernement de monopoliser mon attention sur des problèmes qui ne devraient pas avoir lieu alors que j’aurais pu passer ce temps en meilleure compagnie.
Nous avons choisi le unschooling pour sortir d’un système qui ne nous correspondait pas. Je suis attristée de voir si peu d’ouverture et de désinformation sur ce choix éducatif alternatif…
Sur ce.. Je m’en vais rejoindre ma petite tribu dans leur partie de Carcassonne !