La maison est au fond d’un rang, au milieu d’une forêt abondante. On y arrive par un chemin de terre, simple, un peu mystérieux. C’est une belle journée de printemps, juste après la pluie. En sortant de la voiture, mes poumons se remplissent de cet air si caractéristique, un mélange chaleureux et sucré de résine de sapin et d’herbes folles. La petite fille en moi jubile de plaisir! Aujourd’hui, j’ai répondu à l’appel de la forêt et à l’invitation d’une amie pour participer à un atelier sur les plantes sauvages comestibles offert par Joanie Bélanger, fondatrice de La Cueillette, à Saint-Adrien (https://lacueillette.ca)
L’Homme et la Nature

Il y a quelque mois, la vie m’a poussée à quitter ma petite maison de campagne où je vivais depuis plusieurs années pour un appartement aux limites bien définies, à la liberté bien contrôlée. Alors que je pensais gagner en culture, la pandémie a fait son entrée, réduisant par là même tout accès aux ressources culturelles. Comme il m’a alors manqué mon petit lopin de terre, mon ciel étoilé, mon jardin biodiversifié! Ce n’est qu’une fois installée dans mon 5 1/2 que j’ai de nouveau réalisé l’ampleur des gestes posés autour de moi. Les tontes intempestives à peine les premiers crocus sortis de terre, les déchets abandonnés sur les platebandes lors de mes marches quotidiennes, les pelouses traitées aux pesticides, l’arrosage des allées en béton… et tant d’aberrations, en plus de l’usage démesuré du Purell et autres produits désinfectants depuis plus d’un an.
L’humanité tue l’immunité dans son besoin de propreté.
Nous vivons dans un monde aseptisé où la Nature doit être dominée, maîtrisée, contrôlée. Mais la Nature ne se contrôle pas. Elle se vit. Elle se goûte. Elle s’apprend. La Nature est une vieille femme sage à côté de qui l’on chemine pour un petit bout et qui a tant de choses à nous enseigner, tant de présents à nous offrir. Ne devrions-nous pas repenser notre place, humblement?
La remercier plutôt que la détrousser.
La respecter plutôt que la violenter,
L’écouter plutôt que la soumettre…
Commencer par retrouver nos racines, le lien qui nous unit à elle, à travers des ateliers comme celui-ci. Apprendre à reconnaître les plantes, les identifier, les cueillir en conscience et les utiliser en cuisine comme en médecine. Apprendre à être reconnaissant pour tous ses bienfaits, éduquer nos enfants, leur transmettre ce cadeau si riche et si puissant. Je n’ai jamais compris pourquoi il n’y avait toujours pas de cours de botanique dans les classes d’école. Pourquoi nous préférions garder nos enfants enfermés entre quatre murs plutôt que de leur apprendre à vivre dans le monde qui les entoure…
Au menu…

Au cours de cet atelier, j’ai mis mon mental sur off et je me suis connectée à quelque chose de plus grand, de plus beau, de plus nourrissant. Je me suis reconnectée à mes racines, aux multiples réseaux que forme une forêt dense, riche, diversifiée.
Au menu ce jour-là: salade de violettes sauvages, dentaires à deux feuilles, ail des bois et framboisier rouge; sel d’ortie; gomme et jeunes pousses de sapin baumier, concombre à la sauce printanière style tartare… Pour cela, nul besoin d’aller très loin. La nature nous offre tout, à portée de main. Faire son épicerie devient alors un véritable plaisir où l’on prend le temps, et où l’on fait appel à chacun de nos sens. L’observation, le toucher, l’odorat, le goût…
La cueillette se fait dans le respect de l’environnement, avec parcimonie. Nous récoltons juste le nécessaire, ni plus ni moins, dans un sentiment de gratitude et en conscience. C’est un temps aussi nourrissant extérieurement qu’intérieurement. Marcher lentement, sentir, respirer, savourer, être dans l’instant, tout à notre tâche et apprécier ce “bain de forêt” (Shinrin-Yoku en japonais).
Je vous invite à en faire l’expérience, lors de votre prochaine escapade en forêt. Prenez le temps d’écouter, de contempler, de sentir ce qui vous entoure! Mettez de côté vos cellulaires, chronos, podomètres et autres boussoles. Arrêtez-vous et fermez les yeux! Que ressentez-vous, là, maintenant?
Cultivons d’avantage l’éloge de la lenteur.
Un savoir ancestral

A l’ère de l’individualisme – et surtout après cette année passée isolés les uns des autres – pouvoir se retrouver autour d’un savoir ancestral comme la cueillette sauvage est une bénédiction. Au-delà de la connexion à la Nature, ces ateliers permettent de nous rassembler autour d’un même objectif: Redonner du sens.
Redonner du sens à ce que nous consommons, ce que nous cultivons, ce que nous partageons.
Redonner du sens à un savoir ancestral qu’il est plus qu’urgent de transmettre.
Redonner du sens à nos vies, et à notre véritable place dans l’environnement.
Explorer le monde végétal, c’est faire appel à notre propre nature, notre capacité d’observation comme notre bon sens. C’est apprendre quelle partie de la plante étudier, sa texture, son odeur, son environnement, son goût, ainsi que ses propriétés. Il y a tant à découvrir! Savez-vous, par exemple, que vous pouvez utiliser la gomme de sapin baumier pour soigner une blessure ou un mal de gorge? La résine, appliquée directement sur la plaie, a des propriétés antiseptiques, désinfectantes et cicatrisantes. En cas de grippe, elle aide également à soulager la toux et les maux de gorge. Le sapin baumier (pour ne citer que celui-là) est une plante très nutritive qui se récolte tout au long de l’année!
Apprendre à reconnaître, cueillir et utiliser les plantes sauvages, c’est reprendre ce pouvoir d’autonomie que nous avons perdu depuis des siècles. C’est retrouver notre force intérieure, nos compétences naturelles à vivre en harmonie avec la Nature.
Et, bien plus, c’est partager ce savoir autour de soi, pour qu’il rayonne comme une évidence.
Vous pouvez retrouver les ateliers de La Cueillette sur le site lacueillette.ca